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Qu’est-ce que la santé publique ?

La pre­mière ques­tion posée, à savoir s’il conve­nait de chan­ger l’intitulé du code, fut vite réso­lue. « Code de la san­té » aurait prê­té à équi­voque, puisque le lec­teur aurait pu s’attendre à trou­ver toute indi­ca­tion utile pour pré­ser­ver sa propre santé.

La seconde a sus­ci­té plus d’interrogations. Quand on demande ce que l’on attend à trou­ver dans le code de la san­té publique, les réponses recueillies détaillent assez faci­le­ment quatre grands blocs : le droit des per­sonnes en matière de san­té, le droit des pro­fes­sion­nels de san­té régis­sant notam­ment les pro­fes­sions médi­cales, para­mé­di­cales et phar­ma­ceu­tiques, le droit des pro­duits de san­té, dont les médi­ca­ments, le droit des éta­blis­se­ments de san­té et en pre­mier lieu le droit hospitalier.

Le volume de cha­cun de ces quatre grands piliers est consi­dé­rable. Il a d’ailleurs été avan­cé l’idée que la refonte pou­vait être à l’origine de la créa­tion de quatre codes dis­tincts cor­res­pon­dant cha­cun à un de ces quatre blocs ; idée vite repous­sée, car ne garan­tis­sant pas la cohé­rence de l’ensemble.

À ces quatre grands blocs s’ajoutent le droit de popu­la­tions par­ti­cu­lières, telles la mère et l’enfant, et le droit appli­cable à cer­taines mala­dies ou dépen­dances, comme le droit appli­cable aux per­sonnes souf­frant de troubles men­taux ou des per­sonnes dépen­dantes du tabac, de l’alcool ou des drogues. L’histoire récente a connu un déve­lop­pe­ment impor­tant de la lutte contre les épi­dé­mies et plus géné­ra­le­ment des mesures excep­tion­nelles devant être prises en cas de crises sanitaires.

Le Code de la santé publique et les droits des personnes

On trouve ici l’organisation géné­rale du code consti­tué de six par­ties dans un ordre qui n’est pas sans rap­pe­ler l’ordre du Code de la san­té publique dans sa ver­sion précédente.

Ce en quoi il dif­fère nota­ble­ment c’est pré­ci­sé­ment par son com­men­ce­ment. Le code pré­cé­dent avec une cer­taine logique allait du géné­ral au par­ti­cu­lier et donc s’ouvrait sur les condi­tions favo­rables à la san­té, c’est-à-dire sur les dis­po­si­tions envi­ron­ne­men­tales (qua­li­té de l’eau, de l’air, de l’habitat), tous élé­ments indis­pen­sables en effet à la san­té individuelle.

Or à la réflexion, il appa­rais­sait que la per­sonne est la rai­son pre­mière et finale de la légis­la­tion sani­taire. Ce n’est pas pour les pro­fes­sions de san­té elles-mêmes que celles-ci sont régle­men­tées ; c’est parce que cette régle­men­ta­tion est indis­pen­sable à pré­ser­ver la san­té des per­sonnes. Le même constat s’impose pour les pro­duits de san­té et les éta­blis­se­ments de san­té. La per­sonne est au centre de toutes les dis­po­si­tions sani­taires, soit que celles-ci affirment des droits dont toute per­sonne dis­pose, soit que celles-ci orga­nisent un régime d’ordre sani­taire de por­tée géné­rale, par­fois coer­ci­tif et contrai­gnant, mais qui a pour jus­ti­fi­ca­tion de pré­ser­ver la san­té des individus.

Dès lors, il fal­lait que le code com­men­çât par l’affirmation des droits des per­sonnes en matière de santé.

Le pro­blème qui se posait alors dans les années de pré­pa­ra­tion de la refonte, c’est-à-dire entre 1992 et 2000, est qu’il n’existait pas de loi géné­rale rela­tive aux droits des per­sonnes en matière de san­té, mais des dis­po­si­tions éparses. Certains esti­maient que leur réunion en entrée du code ne serait pas conforme à la volon­té du légis­la­teur. Pourtant, il fal­lait bien ouvrir le code sur les droits des personnes.

On savait cepen­dant qu’une grande loi était en pré­pa­ra­tion sur ce thème. Didier Tabuteau, actuel vice-président du Conseil d’État, en a retra­cé la genèse dans les Contes de Ségur. Ce qui allait deve­nir la loi la plus impor­tante en matière de san­té publique depuis les ordon­nances Debré, la loi Kouchner de mars 2002, était en pré­pa­ra­tion. Elle allait enfin per­mettre à tout un cha­cun d’accéder, s’il le sou­haite, sans pas­ser par un méde­cin, à son propre dos­sier médi­cal et orga­ni­ser une voie amiable de conci­lia­tion et d’indemnisation en matière de res­pon­sa­bi­li­té médi­cale tout à fait novatrice.

Dès lors, la voie était tra­cée. Il fal­lait refondre le code en l’ouvrant par les dis­po­si­tions exis­tantes dis­pa­rates et de por­tée bien dif­fé­rente en matière des droits de per­sonnes, au béné­fice d’une loi en pré­pa­ra­tion dont les dis­po­si­tions l’ouvriraient de la façon la plus magistrale.

Le piquant est que la dis­po­si­tion la plus géné­rale exis­tante en 2000 était la pro­cla­ma­tion du droit pour cha­cun à avoir une mort digne. L’importance de la dis­po­si­tion est bien évi­dente, mais il était un peu éton­nant que la pre­mière dis­po­si­tion du Code de la san­té publique soit pré­ci­sé­ment celle-là.

Le débat a eu lieu en assem­blée géné­rale au Conseil d’État, mais au béné­fice du carac­tère limi­té dans le temps de cette orga­ni­sa­tion, le pro­jet ne fut pas modi­fié. Le code com­mence désor­mais par l’affirmation des per­sonnes en matière de santé.