La refonte du code de la santé publique, créé en 1953, un des codes les plus volumineux de notre droit, plus de dix mille articles, s’est opérée par la publication au Journal Officiel de la République française, d’une ordonnance et de plusieurs décrets, entre 2000 et 2005. La présente note s’attache ici à traiter du seul droit des personnes atteintes de troubles mentaux. Elle s’appuie, pour ce faire, sur deux textes principaux : pour la partie législative, l’ordonnance n° 2000 – 548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique et pour la partie réglementaire, le décret n° 2003 – 462 du 21 mai 2003 relatif aux dispositions réglementaires des parties I, II et III du code de la santé publique.
Les dispositions relatives à la lutte contre les maladies mentales constituent le livre II de la troisième partie du code refondu.
1. Les dispositions en cause n’ont plus été rangées avec d’autres sous l’appellation de « fléaux sociaux »
Les fléaux évoquent la punition divine, le qualificatif de social n’est pas des plus appropriés dans le code de la santé publique. J’ai préféré proposer, pour l’intitulé de la partie II, l’appellation beaucoup plus neutre de « Lutte contre les maladies et dépendances ». Au sein de cette partie, les dispositions relatives aux personnes atteintes de troubles mentaux ne sont plus voisines de celles relatives à la lutte contre les maladies vénériennes prévoyant l’hospitalisation d’office des malades vénériens (ancien article L. 275) et de celles régissant le placement en établissement des alcooliques dangereux (L. 355 – 4 ancien). Parce que ces dispositions, d’un autre temps, avaient été implicitement abrogées par des dispositions plus récentes, la refonte sur ma proposition, en ne les reprenant pas, a opéré sur ces points une sensible modernisation de notre droit.
2. Le plan adopté pour les dispositions en cause commence par l’affirmation des droits des personnes atteintes de troubles mentaux
En effet, un des traits dominants de la refonte a été de privilégier l’affirmation des droits subjectifs.
Cette affirmation se retrouve dans le plan général du code. Il a été ainsi organisé :
- la première partie est relative aux droits des personnes en matière de santé ;
- la seconde au droit de certaines personnes ou populations (enfant, mère, le droit des personnes âgées et des personnes handicapées figurant dans le code de l’action sociale et des familles) ;
- la troisième au droit applicable à certaines maladies ou dépendances ;
- la quatrième au droit des professions de santé ;
- la cinquième au droit des produits de santé ;
- la sixième, enfin, au droit des établissements de santé.
Il était donc normal que le chapitre du titre Ier du livre consacré à la lutte contre les maladies mentales commence par l’affirmation du droit des personnes. Ce faisant, il ne fait qu’amplifier la démarche initiée par la loi n° 90 – 527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, si importante quant à la proclamation des droits subjectifs.
La codification étant un mouvement général, on a fait en sorte de ne plus retrouver dans les autres codes alors en cours de préparation des termes comme « aliénés » pour désigner les personnes atteintes de troubles mentaux, parfois tout proche de ceux « d’animaux malfaisants ou féroces » (cf. art. L. 131 – 2 du code des communes repris dans des termes appropriés à l’article L. 2212 – 2 du nouveau code général des collectivités territoriales en 1996).
3. La refonte opérant à droit constant, la nouvelle version du code a repris alors le droit alors en vigueur
Il a été opéré quelques scissions d’articles trop longs.
Les dispositions répressives déjà réunies dans un chapitre dédié, ce qui sera une règle générale pour tout le code, ont été réécrites ne stigmatisant plus la personne, mais le fait délictueux. Le futur a été remplacé par le présent, le minimum des peines a été supprimé, conformément aux règles d’écriture adoptées par le code pénal en 1994 (L. 352 réécrit L. 3214 – 1, L. 353 réécrit L. 3214 – 2, L. 354 3° repris à L. 3214 – 3, L. 354 1° et 2° à L. 3214 – 4).
Par ailleurs, quelques dispositions non codifiées figurent désormais dans ce livre (art. 5 et art. 6 de la loi n° 85 – 1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique, abrogés et codifiés à l’article L. 3221 – 3 et L. 3221 – 5).
4. La codification a permis au lecteur d’accéder plus facilement aux dispositions réglementaires
Avant sa refonte, le code de la santé publique ne comportait aucune disposition réglementaire touchant à la lutte contre les maladies mentales. De façon générale, la refonte du code en adoptant le principe de la numérotation décimale a permis au lecteur une navigation aisée entre les dispositions législatives et les dispositions réglementaires : le plan et la numérotation sont en effet identiques pour la partie législative et pour la partie réglementaire, unifiés par les 4 premiers chiffres de chaque article (partie, livre, titre, chapitre). Pour une sécurité juridique accrue et s’agissant pour l’essentiel de dispositions touchant aux libertés publiques, le dernier article de chaque chapitre législatif lors de la refonte a disposé que les dispositions réglementaires devaient être adoptées par décret en Conseil d’État.
Le décret du 21 mai 2003 susmentionné devait codifier les dispositions de trois décrets jusqu’alors non codifiés et simultanément abrogés se rapportant tous au titre II Organisation du livre II de la troisième partie :
- décret n° 86 – 602 du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre les maladies mentales et à l’organisation de la sectorisation psychiatrique ;
- décret n° 90 – 1042 du 20 novembre 1990 pris pour l’application de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique ;
- enfin, le décret n° 91 – 981 du 25 septembre 1991 pris pour l’application des articles L. 332 – 3 et L. 332 – 4 du code de la santé publique.
De fait, le corpus réglementaire nouveau devait par la suite s’étoffer en respectant le plan et la numérotation adoptés lors de la refonte, deux ans plus tard (décret n° 2005 – 434 du 6 mai 2005) et surtout dix ans plus tard (décrets n° 2010-344 du 31 mars 2010, n° 2010 – 507 du 18 mai 2010, n° 2010 – 526 du 20 mai 2010) et depuis être actualisé en tant que de besoin.
5. Caractère marquant de cette opération, la refonte a aussi comporté les adaptations nécessaires aux collectivités d’outre-mer
L’absence de dispositions ultramarines dans le livre II, en complément des dispositions hexagonales, indiquait clairement que le même droit s’appliquait en métropole et dans les collectivités régies par le principe d’identité. L’érection de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, par démembrement de la Guadeloupe, devrait entraîner quelques années plus tard dans ce même livre, des adaptations nécessaires pour ces nouvelles collectivités. Conformément à l’organisation générale du code, les dispositions ultramarines régies par le principe de spécialité constituent le livre terminal ici le livre VIII de cette même partie II.
Pour ce qui concerne la lutte contre les maladies mentales, on y trouvait alors les seules dispositions relatives à Mayotte (régie alors par le principe de spécialité) et l’unique article consacré aux îles Wallis et Futuna. Cet ensemble devait être dans les années suivantes considérablement remanié du fait de la départementalisation de Mayotte, et du développement du droit dans le territoire des Îles Wallis et Futuna (ordonnance n° 2008 – 858 du 28 août 2008).
La quasi-absence de population permanente a rendu inutile le développement de cette partie du droit de la santé dans les Terres australes et antarctiques françaises ; il a fallu, pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, dans ce domaine comme dans tous les autres, opérer un savant équilibre entre le droit de la santé qui relève de la compétence de ces collectivités et le respect des libertés publiques qui incombe à l’État (dernièrement, ordonnance n° 2017 – 1179 du 19 juillet 2017).
6. Chacun savait que l’intervention du juge judiciaire qui avait fait l’objet de constants progrès (loi Sécurité et liberté du 2 février 1981, loi du 27 juin 1990 susmentionnée) n’était pas à la hauteur de celle qu’elle aurait dû être, dans un domaine où il ne s’agit pas moins de priver certaines personnes de la liberté essentielle d’aller et de venir, liberté dont le juge judiciaire est le garant.
On disait les magistrats peu enthousiastes à l’idée de devoir se charger de ses fonctions nouvelles. Tous déploraient que le contentieux soit réparti entre les juridictions administratives et judiciaires. Au demeurant, ces questions fondamentales touchaient au fond du droit et échappaient totalement à une codification opérant à droit constant. On sait que les lois postérieures (lois n° 2011 – 803 du 5 juillet 2011 et n° 2013 – 869 du 27 septembre 2013) ont unifié le contentieux, donné au juge des libertés et de la détention un rôle majeur dans le contrôle de l’hospitalisation puis des soins sans consentement et d’une façon plus générale, considérablement remédié à la situation d’antan.
7. C’est ainsi que le droit actuel, comme beaucoup d’autres pans du droit de la santé publique est le résultat d’évolutions lentes, et parfois, décisives.
Après tout, l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers, ex-hospitalisation volontaire, l’admission sur décision du représentant de l’État, ex-hospitalisation d’office, rappellent la loi fondatrice du 30 juin 1838. La refonte du code dans les années 2000 a été une étape modeste, mais significative, de cette évolution.
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