Publicité, déontologie et chirurgien-dentiste

Cet article traite de la déon­to­lo­gie du chirurgien-dentiste au regard de la publi­ci­té. Aux termes de la seconde phrase de l’article R. 4127 – 225 du Code de la san­té publique : « Sont éga­le­ment inter­dites toute publi­ci­té inté­res­sant un tiers ou une entre­prise indus­trielle ou com­mer­ciale ». Cette rédac­tion résulte du 8° de l’article 1er du décret n° 2020 – 1658 du 22 décembre 2020 pris après avis de la sec­tion sociale, por­tant modi­fi­ca­tion du code de déon­to­lo­gie des chirurgiens-dentistes et rela­tif à la com­mu­ni­ca­tion professionnelle.

Cette rédac­tion rem­place celle qui était en vigueur depuis 2004, lorsque la refonte du Code de la san­té publique dont j’étais char­gé au minis­tère de la Santé, avait conduit à insé­rer dans le Code de la san­té publique, les trois codes de déon­to­lo­gie des trois pro­fes­sions médi­cales, en repre­nant stric­te­ment les dis­po­si­tions alors en vigueur et en adop­tant pour ce faire une numé­ro­ta­tion tout à fait ori­gi­nale (cf. « la refonte du Code de la san­té publique (1992−2005) et les pro­fes­sions de san­té » publié le 23/07/2021 sur ce site).

Cette rédac­tion ancienne était ain­si rédi­gée : « sont éga­le­ment inter­dites toute publi­ci­té, toute réclame per­son­nelle ou inté­res­sant un tiers ou une firme quelconque. »

La rédac­tion actuelle fait suite à un arrêt du Conseil d’État annu­lant la déci­sion impli­cite de la ministre des Solidarités et de la Santé refu­sant d’abroger la seconde phrase du pre­mier ali­néa de l’article R. 4127 – 225 du Code de la san­té publique (Conseil d’État, 4e et 1re chambre réunie, 6 novembre 2019, 420225).

Au 7 de l’arrêt, le Conseil d’État juge : « S’il incombe au pou­voir régle­men­taire de défi­nir les condi­tions d’une uti­li­sa­tion, par les chirurgiens-dentistes, de pro­cé­dés de publi­ci­té com­pa­tibles avec les exi­gences de pro­tec­tion de la san­té publique, de digni­té de la pro­fes­sion de chirurgien-dentiste, de confra­ter­ni­té entre pra­ti­ciens et de confiance des malades envers les chirurgiens-dentistes, il résulte des sti­pu­la­tions de l’article 56 du Traité sur le fonc­tion­ne­ment de l’Union euro­péenne, telles qu’interprétées par la Cour de jus­tice de l’Union euro­péenne dans son arrêt ren­du le 4 mai 2017 dans l’affaire C −339÷15, ain­si que des dis­po­si­tions de l’article 8, para­graphe 1 de la direc­tive du 8 juin 2000, telles qu’interprétées par la Cour de jus­tice de l’Union euro­péenne dans son ordon­nance ren­due le 23 octobre 2018 dans l’affaire C‑296/18, qu’elles s’opposent à des dis­po­si­tions régle­men­taires qui inter­disent de manière géné­rale et abso­lue toute publi­ci­té, telles que celles qui figurent au 5e ali­néa de l’article R. 4127 – 215 et à la seconde phrase du pre­mier ali­néa de R. 4127 – 225 du Code de la san­té publique. »

Toutefois, la rédac­tion nou­velle inter­ve­nue de la seconde phrase de l’article R 4127 – 225 du Code de la san­té publique respecte-t-elle la déci­sion du Conseil d’État sta­tuant au contentieux ?

Déontologie et chirurgien-dentiste

Lorsque l’on com­pare la rédac­tion en vigueur depuis 2020 : « Sont éga­le­ment inter­dites toute publi­ci­té inté­res­sant un tiers ou une entre­prise indus­trielle ou com­mer­ciale » et celle qui la pré­cé­dait : « Sont éga­le­ment inter­dites toute publi­ci­té, toute réclame per­son­nelle ou inté­res­sant un tiers ou une firme quel­conque », on note que les mots : « toute réclame per­son­nelle » ont été sup­pri­més et que les mots « firme quel­conque » ont été rem­pla­cés par les mots : « entre­prise indus­trielle ou com­mer­ciale ». La sup­pres­sion du mot « réclame », obso­lète désor­mais pour dési­gner la publi­ci­té, allait de soi. Certes, le mot : « per­son­nelle » n’a pas été repris, ce qui ouvre un plus grand espace au pra­ti­cien pour se faire connaître. Mais rem­pla­cer les mots : « entre­prise indus­trielle ou com­mer­ciale » par les mots : « firme quel­conque » est-il un réel chan­ge­ment restrei­gnant la por­tée de l’interdiction ou un simple chan­ge­ment rédac­tion­nel ? Surtout, le main­tien des mots : « inté­res­sant un tiers » de por­tée indé­ter­mi­née ne laisse-t-il pas sub­sis­ter une inter­dic­tion géné­rale de la publi­ci­té, contraire au droit de l’Union ?

Il fau­drait donc que le Conseil d’État au conten­tieux se pro­non­çât sur la rédac­tion de la seconde phrase de l’article R. 4127 – 225, telle qu’issue du décret n° 2020 – 1658 du 22 décembre 2020.

Un chirurgien-dentiste, pour­sui­vi par les ins­tances dis­ci­pli­naires pour man­que­ment à l’interdiction posée par la seconde phrase de l’article R. 4127 – 225, pour­rait exci­per de l’illégalité de celle-ci au regard du droit de l’Union euro­péenne et pro­vo­quer en fin de pro­cé­dure, en cas de condam­na­tion, une déci­sion du Conseil d’État par voie de cassation.

Rappelons à cet égard que le Conseil d’État, 4e chambre, 13 octobre 2021, 427355, a annu­lé la déci­sion du 6 décembre 2018 de la Chambre dis­ci­pli­naire de l’ordre des chirurgiens-dentistes pour erreur de droit pour avoir jugé que le pra­ti­cien pour­sui­vi avait com­mis un man­que­ment à la deuxième phrase du pre­mier ali­néa de l’article R. 4127 – 225 du Code de la san­té publique dans une moti­va­tion qui n’est pas sans rap­pe­ler celle de sa déci­sion sus­men­tion­née du 6 novembre 2019.

« Il résulte des sti­pu­la­tions de l’article 56 du Traité sur le fonc­tion­ne­ment de l’Union euro­péenne, telles qu’interprétées par la Cour de jus­tice de l’Union euro­péenne dans son arrêt ren­du le 4 mai 2017 dans l’affaire C‑339/15, ain­si que des dis­po­si­tions de l’article 8, para­graphe 1 de la direc­tive 2000/31/CE du Parlement euro­péen et du Conseil, du 8 juin 2000, rela­tive à cer­tains aspects juri­diques des ser­vices de la socié­té de l’information, et notam­ment du com­merce élec­tro­nique, dans le mar­ché inté­rieur (« direc­tive sur le com­merce élec­tro­nique »), telles qu’interprétées par la Cour de jus­tice de l’Union euro­péenne dans son ordon­nance ren­due le 23 octobre 2018 dans l’affaire C‑296/18, qu’elles s’opposent à des dis­po­si­tions régle­men­taires qui inter­disent de manière géné­rale et abso­lue toute publi­ci­té et toute com­mu­ni­ca­tion com­mer­ciale par voie élec­tro­nique, telles que celles qui figurent au 3° de l’article R. 4127 – 215 du Code de la san­té publique. Par suite, en jugeant que les dis­po­si­tions du 3° de l’article R. 4127 – 215 du Code de la san­té publique et de la deuxième phrase du pre­mier ali­néa de l’article R. 4127 – 225 du même code n’étaient pas incom­pa­tibles avec le droit de l’Union euro­péenne et en rete­nant que M. A… avait com­mis un man­que­ment en les mécon­nais­sant, la chambre dis­ci­pli­naire natio­nale de l’ordre des chirurgiens-dentistes a enta­ché sa déci­sion d’erreur de droit. »

Le même chirurgien-dentiste, pour­sui­vi devant les ins­tances dis­ci­pli­naires pour man­que­ment à l’interdiction posée par la seconde phrase de l’article R. 4127 – 225 dans sa rédac­tion actuelle, pour­rait sai­sir aus­si le Premier ministre d’une demande d’annulation de la rédac­tion en vigueur et sai­sir le Conseil d’État en annu­la­tion de son refus.

Ainsi, on pour­rait savoir si l’interdiction géné­rale de publi­ci­té posée par l’article R 4127 – 225 du Code de la san­té publique, dans sa rédac­tion actuelle, est légale ou pas, ce qui inté­resse tous les chirurgiens-dentistes et nous tous qui béné­fi­cions de leurs bons soins ou qui sommes sus­cep­tibles de s’adresser à tel ou tel d’entre eux, connu peut-être par la publi­ci­té à laquelle ce pra­ti­cien a eu recours.

Panneaux photovoltaïques et santé

Les pou­voirs publics encou­ragent les par­ti­cu­liers à recou­rir à des ins­tal­la­tions leur per­met­tant de pro­duire eux-mêmes, à l’aide de pan­neaux pho­to­vol­taïques, l’électricité néces­saire à leur consom­ma­tion et même de revendre le sur­plus à EDF. La revente à EDF peut être aus­si le seul objec­tif poursuivi.

L’incitation est louable. Elle fait écho à des pré­oc­cu­pa­tions d’ordre éco­lo­gique (l’énergie solaire est par excel­lence une éner­gie propre et illi­mi­tée ; l’utiliser dis­pense de recou­rir aux éner­gies fos­siles, limi­tées et pol­luantes, ou à l’énergie pro­duite par les cen­trales ato­miques, propres, mais non sans risques) et éco­no­mique (contri­buer à la pro­duc­tion d’électricité au niveau natio­nal ; réduire le coût de l’électricité qui ne cesse d’augmenter pour les ménages).

Mais c’est s’engager dans un long par­cours qui peut ren­con­trer de mul­tiples embûches, dues notam­ment à la défec­tion de l’entreprise ven­dant, ins­tal­lant les pan­neaux solaires, toutes pres­ta­tions réa­li­sées dans un temps court, alors que la même entre­prise est aus­si char­gée le plus sou­vent, aux termes du contrat de vente, de toute ou par­tie, des pres­ta­tions admi­nis­tra­tives néces­saires en regard, ce qui prend un temps consé­quent, de l’ordre de plu­sieurs mois.

Le contrat de vente pré­voit la réa­li­sa­tion de ces pres­ta­tions variables d’un contrat à l’autre, à dif­fé­rents titres. Le plus sou­vent, en signant le bon de com­mande, l’installateur s’est enga­gé à réa­li­ser ces pres­ta­tions admi­nis­tra­tives, ce qu’il peut faire et conduire à bien, seul, pour cer­taines d’entre elles. En réa­li­té, pour d’autres, il peut seule­ment contri­buer à leur réa­li­sa­tion, en déli­vrant des docu­ments indis­pen­sables, ce que lui seul peut faire, comme la décla­ra­tion sur l’honneur de confor­mi­té de l’installation, requise pour la conclu­sion du contrat de revente à EDF.

Tout cela com­mence bien sou­vent par un démar­chage à domi­cile ; le consom­ma­teur est lié alors par un contrat de vente à l’entreprise ins­tal­la­trice et par un contrat de cré­dit auprès d’une banque. Si l’installation ne fonc­tionne pas, si la revente de l’électricité à EDF s’avère impos­sible notam­ment parce que le contrat de revente ne peut être signé en l’absence de décla­ra­tion sur l’honneur de confor­mi­té de l’installateur, si tout recours à l’entreprise ins­tal­la­trice, en liqui­da­tion judi­ciaire ou radiée du registre natio­nal du com­merce et des socié­tés, est voué à l’échec, le consom­ma­teur est cepen­dant tenu d’honorer les men­sua­li­tés de rem­bour­se­ment à la banque, selon les clauses du contrat de crédit.

Panneaux photovoltaïques et santé

En l’absence de la revente de l’électricité à EDF, ou bien au regard du peu d’économies réa­li­sées sur ses fac­tures d’électricité avant et depuis la mise en ser­vice de son ins­tal­la­tion pho­to­vol­taïque, la bonne affaire tourne vite au cauchemar.

Cette situa­tion anxio­gène est rap­por­tée par cer­tains comme étant à l’origine de divers troubles de san­té (insom­nies, angoisse, voire dépression).

Il est donc vive­ment recom­man­dé de s’entourer du conseil d’un avo­cat au fait de ces pro­blèmes, avant de s’engager dans un tel par­cours, ou de recou­rir à lui dès la pre­mière dif­fi­cul­té ren­con­trée, car il y a des choses à faire en urgence dans un délai très limi­té, voire, en der­nier lieu, de le char­ger de défendre au mieux ses inté­rêts de consommateur.

Qu’est-ce que la santé publique ?

La pre­mière ques­tion posée, à savoir s’il conve­nait de chan­ger l’intitulé du code, fut vite réso­lue. « Code de la san­té » aurait prê­té à équi­voque, puisque le lec­teur aurait pu s’attendre à trou­ver toute indi­ca­tion utile pour pré­ser­ver sa propre santé.

La seconde a sus­ci­té plus d’interrogations. Quand on demande ce que l’on attend à trou­ver dans le code de la san­té publique, les réponses recueillies détaillent assez faci­le­ment quatre grands blocs : le droit des per­sonnes en matière de san­té, le droit des pro­fes­sion­nels de san­té régis­sant notam­ment les pro­fes­sions médi­cales, para­mé­di­cales et phar­ma­ceu­tiques, le droit des pro­duits de san­té, dont les médi­ca­ments, le droit des éta­blis­se­ments de san­té et en pre­mier lieu le droit hospitalier.

Le volume de cha­cun de ces quatre grands piliers est consi­dé­rable. Il a d’ailleurs été avan­cé l’idée que la refonte pou­vait être à l’origine de la créa­tion de quatre codes dis­tincts cor­res­pon­dant cha­cun à un de ces quatre blocs ; idée vite repous­sée, car ne garan­tis­sant pas la cohé­rence de l’ensemble.

À ces quatre grands blocs s’ajoutent le droit de popu­la­tions par­ti­cu­lières, telles la mère et l’enfant, et le droit appli­cable à cer­taines mala­dies ou dépen­dances, comme le droit appli­cable aux per­sonnes souf­frant de troubles men­taux ou des per­sonnes dépen­dantes du tabac, de l’alcool ou des drogues. L’histoire récente a connu un déve­lop­pe­ment impor­tant de la lutte contre les épi­dé­mies et plus géné­ra­le­ment des mesures excep­tion­nelles devant être prises en cas de crises sanitaires.

Le Code de la santé publique et les droits des personnes

On trouve ici l’organisation géné­rale du code consti­tué de six par­ties dans un ordre qui n’est pas sans rap­pe­ler l’ordre du Code de la san­té publique dans sa ver­sion précédente.

Ce en quoi il dif­fère nota­ble­ment c’est pré­ci­sé­ment par son com­men­ce­ment. Le code pré­cé­dent avec une cer­taine logique allait du géné­ral au par­ti­cu­lier et donc s’ouvrait sur les condi­tions favo­rables à la san­té, c’est-à-dire sur les dis­po­si­tions envi­ron­ne­men­tales (qua­li­té de l’eau, de l’air, de l’habitat), tous élé­ments indis­pen­sables en effet à la san­té individuelle.

Or à la réflexion, il appa­rais­sait que la per­sonne est la rai­son pre­mière et finale de la légis­la­tion sani­taire. Ce n’est pas pour les pro­fes­sions de san­té elles-mêmes que celles-ci sont régle­men­tées ; c’est parce que cette régle­men­ta­tion est indis­pen­sable à pré­ser­ver la san­té des per­sonnes. Le même constat s’impose pour les pro­duits de san­té et les éta­blis­se­ments de san­té. La per­sonne est au centre de toutes les dis­po­si­tions sani­taires, soit que celles-ci affirment des droits dont toute per­sonne dis­pose, soit que celles-ci orga­nisent un régime d’ordre sani­taire de por­tée géné­rale, par­fois coer­ci­tif et contrai­gnant, mais qui a pour jus­ti­fi­ca­tion de pré­ser­ver la san­té des individus.

Dès lors, il fal­lait que le code com­men­çât par l’affirmation des droits des per­sonnes en matière de santé.

Le pro­blème qui se posait alors dans les années de pré­pa­ra­tion de la refonte, c’est-à-dire entre 1992 et 2000, est qu’il n’existait pas de loi géné­rale rela­tive aux droits des per­sonnes en matière de san­té, mais des dis­po­si­tions éparses. Certains esti­maient que leur réunion en entrée du code ne serait pas conforme à la volon­té du légis­la­teur. Pourtant, il fal­lait bien ouvrir le code sur les droits des personnes.

On savait cepen­dant qu’une grande loi était en pré­pa­ra­tion sur ce thème. Didier Tabuteau, actuel vice-président du Conseil d’État, en a retra­cé la genèse dans les Contes de Ségur. Ce qui allait deve­nir la loi la plus impor­tante en matière de san­té publique depuis les ordon­nances Debré, la loi Kouchner de mars 2002, était en pré­pa­ra­tion. Elle allait enfin per­mettre à tout un cha­cun d’accéder, s’il le sou­haite, sans pas­ser par un méde­cin, à son propre dos­sier médi­cal et orga­ni­ser une voie amiable de conci­lia­tion et d’indemnisation en matière de res­pon­sa­bi­li­té médi­cale tout à fait novatrice.

Dès lors, la voie était tra­cée. Il fal­lait refondre le code en l’ouvrant par les dis­po­si­tions exis­tantes dis­pa­rates et de por­tée bien dif­fé­rente en matière des droits de per­sonnes, au béné­fice d’une loi en pré­pa­ra­tion dont les dis­po­si­tions l’ouvriraient de la façon la plus magistrale.

Le piquant est que la dis­po­si­tion la plus géné­rale exis­tante en 2000 était la pro­cla­ma­tion du droit pour cha­cun à avoir une mort digne. L’importance de la dis­po­si­tion est bien évi­dente, mais il était un peu éton­nant que la pre­mière dis­po­si­tion du Code de la san­té publique soit pré­ci­sé­ment celle-là.

Le débat a eu lieu en assem­blée géné­rale au Conseil d’État, mais au béné­fice du carac­tère limi­té dans le temps de cette orga­ni­sa­tion, le pro­jet ne fut pas modi­fié. Le code com­mence désor­mais par l’affirmation des per­sonnes en matière de santé.

Mars 2022, un mois important pour la Commission supérieure de codification

Par arrê­té du 1er mars 2022 a été nom­mé vice-président de la Commission supé­rieure de codi­fi­ca­tion M. Bernard STIRN, pré­sident de sec­tion hono­raire du Conseil d’État, membre de l’Institut, en rem­pla­ce­ment de M. Daniel LABETOULLE.

Rappelons que la Commission supé­rieure de codi­fi­ca­tion, dont l’installation en 1989 a signé et per­mis le renou­veau de la codi­fi­ca­tion, est une ins­ti­tu­tion pro­ba­ble­ment unique en France. Sous la pré­si­dence du Premier ministre, s’appuyant sur le secré­ta­riat géné­ral du Gouvernement, elle réunit par­le­men­taires, grands uni­ver­si­taires, repré­sen­tants des plus hautes juri­dic­tions fran­çaises, Conseil d’État, Cour de Cassation, Cour des Comptes et grandes admi­nis­tra­tions cen­trales de l’État.

Tous les pro­jets de codes nou­veaux doivent recueillir obli­ga­toi­re­ment son avis déli­vré à l’issue de séances plé­nières où aidée par le tra­vail de rap­por­teurs spé­cia­le­ment dési­gnés qui ont œuvré avec les admi­nis­tra­tions sup­port, elle exa­mine le plan, les textes codi­fiés qui seront de ce fait abro­gés, le pro­jet de texte, mot à mot, y com­pris dans ses dis­po­si­tions ultra­ma­rines, et donne des avis auto­ri­sés sur les dif­fi­cul­tés juri­diques de toute nature que la rédac­tion du pro­jet sou­lève, sur la répar­ti­tion déli­cate des dis­po­si­tions entre codes exis­tants et futur code, et véri­fie l’application qui est faite du prin­cipe de la hié­rar­chie des normes dans le projet.

Sur le fon­de­ment d’une loi d’habilitation fixant des délais impé­ra­tifs, le pro­jet d’ordonnance ain­si pré­pa­ré, avec les avis de la Commission, est trans­mis par le secré­ta­riat géné­ral du gou­ver­ne­ment à la sec­tion admi­nis­tra­tive com­pé­tente du Conseil d’État, avant qu’il soit exa­mi­né par l’assemblée géné­rale et publié par ordon­nance du Président de la République après exa­men en Conseil des ministres. La Commission recom­mande que la par­tie régle­men­taire du code, sou­mis à son même exa­men, soit publiée par décrets en même temps ou, si cela n’est pas pos­sible, dans les délais les plus rap­pro­chés de la par­tie législative.

Naturellement, le rôle du Vice-président de la Commission est essen­tiel. C’est sous son auto­ri­té que le pro­gramme de codi­fi­ca­tion est pré­pa­ré, c’est lui qui joue l’interface entre le Secrétariat géné­ral du gou­ver­ne­ment, les ministres et le Conseil d’État ; c’est lui qui sou­tient les efforts des admi­nis­tra­tions cen­trales dans leur rédac­tion des pro­jets. C’est lui qui fait que les rap­por­teurs par­ti­cu­liers, les admi­nis­tra­tions repré­sen­tées et tous les membres de la Commission qui l’entourent ont conscience de vivre, lors de séances plé­nières, des moments excep­tion­nels de leur vie pro­fes­sion­nelle. Le vice-président est aidé dans sa tâche en pre­mier lieu par un rap­por­teur général.

Rendre le droit plus accessible à tous

La Commission réa­lise ain­si un tra­vail unique d’impulsion, de coor­di­na­tion et d’expertise qui est tout à fait public et auquel tous ceux qui s’interrogent sur la fabrique du droit écrit peuvent se réfé­rer ; les rap­ports annuels de la Commission, avec notam­ment ses avis, sont publiés et acces­sibles à tous gra­tui­te­ment sur le site Légifrance, dans la par­tie « Codification », au cha­pitre « Rapports de la Commission supé­rieure de codi­fi­ca­tion », où l’on trouve à ce jour en libre accès tous les rap­ports de 2006 à 2020.

Les tra­vaux de la Commission supé­rieure de codi­fi­ca­tion, sous les quatre man­dats de la vice-présidence de Daniel LABETOULLE, sont consi­dé­rables. Le pré­sident et son rap­por­teur géné­ral ont consti­tué un duo excep­tion­nel. Il est vrai que les fonc­tions de Rapporteur géné­ral ont été assu­rées par l’étincelant Mathias GUYOMAR, pré­sident, depuis 2016, de la 10e chambre de la sec­tion du conten­tieux du Conseil d’État, élu juge à la Cour euro­péenne des droits de l’homme au titre de la France par l’Assemblée par­le­men­taire du Conseil de l’Europe le 28 jan­vier 2020 et depuis rem­pla­cé par une autre per­son­na­li­té émi­nente du Conseil d’État, Madame Anne COURREGES. Ces tra­vaux ont per­mis la publi­ca­tion de codes entiè­re­ment nou­veaux qui sont deve­nus aus­si­tôt des ouvrages de réfé­rence quo­ti­diens pour tous. Citons-en quelques-uns par­mi beau­coup d’autres. S’adressant au public le plus large, le Code des rela­tions entre le public et l’administration, code qui d’emblée a mon­tré que la doc­trine de la codi­fi­ca­tion n’était pas repliée sur elle-même, enfer­mée dans une répé­ti­tion du même, mais savait inno­ver pro­fon­dé­ment lorsque la matière l’exigeait ; la numé­ro­ta­tion des articles légis­la­tifs et des articles régle­men­taires est conti­nue pour faci­li­ter l’appropriation des dis­po­si­tions par le lec­teur. Examiné en 2019 et publié en 2021, le Code de jus­tice pénale des mineurs a mar­qué les esprits par la codi­fi­ca­tion d’un texte véné­rable, l’ordonnance de 1945, mais si sou­vent rema­nié qu’il deve­nait impra­ti­cable. Le der­nier code créé, exa­mi­né par la Commission dans les condi­tions si par­ti­cu­lières qu’imposait la pan­dé­mie, était atten­du depuis 25 ans ; il est déjà un code essen­tiel pour des mil­lions de per­sonnes, puisqu’il ne s’agit de rien de moins que du code géné­ral de la fonc­tion publique entré, pour sa par­tie légis­la­tive, en vigueur le 1er mars 2022.

Le Président LABETOULLE n’a pas sou­hai­té être recon­duit dans ses fonc­tions pour un cin­quième man­dat. Homme émi­nent, d’une grande sim­pli­ci­té, il consi­dère sans nos­tal­gie avoir accom­pli ce qu’il devait, clô­tu­rant un cycle de seize années d’un tra­vail consi­dé­rable. Sans doute est-il confor­té par la nomi­na­tion à la vice-présidence de la Commission du Président Bernard STIRN, autre très grande figure du Conseil d’État, qui rap­pelle qu’il fut le pre­mier rap­por­teur géné­ral pen­dant les deux pre­mières années de la Commission en 1989 et 1990. La conti­nui­té de l’action publique est ain­si assu­rée par ces grands ser­vi­teurs de l’État.

La codi­fi­ca­tion doit ain­si à ses deux anciens vice-présidents, Guy BRAIBANT et Daniel LABETOULLE, hommes excep­tion­nels par leur hau­teur de vue, leur intel­li­gence et leur auto­ri­té natu­relle, d’être deve­nue incon­tour­nable au ser­vice d’une grande ambi­tion. Quoi de plus exal­tant en effet que de tra­vailler à rendre le droit plus acces­sible à tous ?

Le code général de la fonction publique

L’ordonnance n° 2021 – 1574 du 24 novembre crée le code géné­ral de la fonc­tion publique, tant atten­du et à l’existence duquel beau­coup ne croyaient plus : un tel code avait été évo­qué dès les lois sta­tu­taires de 1983, 1984 et 1986 ! Pour l’essentiel, la par­tie légis­la­tive est entrée en vigueur le 1er mars 2022.

Son orga­ni­sa­tion ne suit pas l’ordre auquel on aurait pu s’attendre ; la pre­mière par­tie concerne les droits et obli­ga­tions des fonc­tion­naires, les par­ties 2, 3 et 4, les dis­po­si­tions rela­tives aux fonc­tion­naires de l’État, des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, puis des éta­blis­se­ments hos­pi­ta­liers, enfin la cin­quième par­tie regroupe les dis­po­si­tions sur l’outre-mer.

D’une part, un code n’est pas un recueil de lois exis­tantes, d’autre part le code ne se borne pas aux seules lois sta­tu­taires, mais codi­fie et abroge de nom­breuses dis­po­si­tions éparses de nature législative.

Enfin, le code général de la fonction publique !

Mais sur­tout, peut-être pour évi­ter des répé­ti­tions inutiles, le code est orga­ni­sé selon une tout autre logique que les lois sta­tu­taires, en huit livres pré­cé­dés d’un cha­pitre limi­naire où l’on trouve, après des dis­po­si­tions géné­rales, le recru­te­ment, la car­rière, le temps de tra­vail, la rému­né­ra­tion et la san­té et la sécu­ri­té au tra­vail. Sont ain­si trai­tés les droits et obli­ga­tions et le dérou­le­ment du par­cours pro­fes­sion­nel. Chacun des huit livres se ter­mine par un titre por­tant dis­po­si­tions par­ti­cu­lières à l’outre-mer.

Le plan rete­nu intègre donc dans une pré­sen­ta­tion com­mune la fonc­tion publique de l’État, la fonc­tion publique ter­ri­to­riale et la fonc­tion publique hospitalière.

On ne peut que sou­hai­ter que très rapi­de­ment soit publiée la par­tie régle­men­taire, pour que ce code géné­ral de la fonc­tion publique devienne plei­ne­ment l’outil de ges­tion incon­tour­nable de mil­lions de fonc­tion­naires et contrac­tuels, même si, bien évi­dem­ment, il est peu pro­bable que cette codi­fi­ca­tion sou­hai­tée intègre les mil­liers de sta­tuts particuliers.

D’ores et déjà, son entrée en vigueur impose la mise à jour de quan­ti­té de textes pour l’État, les col­lec­ti­vi­tés publiques et les éta­blis­se­ments publics de san­té, et un chan­ge­ment signi­fi­ca­tif dans les pré­toires, pour les juges et les avo­cats dans la rédac­tion de leurs déci­sions et écritures.

Le code de la santé publique, tueur de codes (III)

Les 85 articles du code de déon­to­lo­gie des chirurgiens-dentistes se trou­ve­raient dans les articles 201 à 285 du code de la san­té publique, avec une pos­si­bi­li­té d’extension donc de 14 articles.

Les 67 articles du code de déon­to­lo­gie des sages-femmes se trou­ve­raient dans les articles 301 à 367 là encore avec une pos­si­bi­li­té d’extension indé­fi­nie, pou­vant aller jusqu’à 999.

L’intérêt était aus­si, et sur­tout, que les méde­cins qui connais­saient par cœur cer­tains numé­ros des articles de leur code retrouvent ces numé­ros dans cette confi­gu­ra­tion, après l’indication des 4 pre­miers chiffres qui, conformes à l’organisation géné­rale per­mettent de situer immé­dia­te­ment dans la 4e par­tie « pro­fes­sions de san­té », livre I « pro­fes­sions médi­cales », titre 2 « orga­ni­sa­tion des pro­fes­sions médi­cales » et cha­pitre 7 « déontologie ».

Une ques­tion alors se posa pour cer­tains articles du code de déon­to­lo­gie des chirurgiens-dentistes qui connais­saient des numé­ros inter­ca­laires (le décret n° 67 – 671 du 22 juillet 1967 com­por­tait des articles 3 – 1, 5 – 1, 5 – 2, 13 – 1, etc.). On ne pou­vait reprendre ces numé­ros inter­ca­laires dans une codi­fi­ca­tion nou­velle ; aus­si bien a‑t-on ran­gé les numé­ros des articles du code de déon­to­lo­gie dans une suite continue.

Sur le fond, les dis­po­si­tions ont été reprises à l’identique et le contrôle limi­té au res­pect de la hié­rar­chie des normes. À ce titre cer­tains articles des codes de déon­to­lo­gie n’avaient pas été modi­fiés à la suite de la loi Kouchner n° 2002-303 du 4 mars 2002 rela­tive aux droits des malades et à la qua­li­té des soins. Il n’était natu­rel­le­ment pas envi­sa­geable de modi­fier sub­stan­tiel­le­ment la rédac­tion des articles en cause, ce qui aurait sup­po­sé des échanges appro­fon­dis avec cha­cun des Ordres, ce que ne per­met­tait pas le calen­drier de codi­fi­ca­tion. Le codi­fi­ca­teur s’est bor­né à indi­quer cette mise à jour utile en ajou­tant des « sous réserve de » avec la men­tion de l’article légis­la­tif en cause (R 4127 – 35, R. 4127 – 42). Pareillement, pour le code de déon­to­lo­gie des chirurgiens-dentistes (R. 4127 – 237, R 4127 – 239), pour le code de déon­to­lo­gie des sages-femmes (R. 4127 – 330, R 4127 – 331), avec bien enten­du l’accord des Ordres sur ces modi­fi­ca­tions limitées.

Presque vingt ans après, on vit que les choix opé­rés résistent à l’épreuve du temps. Le code de débits de bois­sons et de lutte contre l’alcoolisme a dis­pa­ru ; dans les com­merces ven­dant de l’alcool sont affi­chés les articles du code de la san­té publique inter­di­sant la vente aux mineurs ; la jus­ti­fi­ca­tion de l’interdiction est appa­rente pour tous ; c’est bien pour pro­té­ger la san­té des mineurs et pour les en infor­mer que cette mesure res­tric­tive est prise.

Les pro­fes­sions médi­cales se sont habi­tuées à trou­ver les articles de leur code de déon­to­lo­gie dans le code de la san­té publique et non pas dans des codes à part.

La numé­ro­ta­tion ori­gi­nale adop­tée s’est révé­lée effi­cace. Naturellement, des modi­fi­ca­tions de fond sont inter­ve­nues depuis 2003 : un code est une matière en mou­ve­ment et en adap­ta­tion constante. Si cer­tains articles ont été abro­gés, le nombre d’articles des codes de déon­to­lo­gie s’est glo­ba­le­ment accru en recou­rant aux sub­di­vi­sions entre deux articles (par exemple, pour les méde­cins : R 4127−37−1, R 4127−37−2, R 4127−37−3, R 4127−37−4 ; ou pour les sages-femmes : R 4127−310−2 et R 4127−310−3). Cela se com­prend si on consi­dère que les articles doivent s’insérer dans la logique des matières trai­tées et ne pas être sys­té­ma­ti­que­ment pla­cés à la fin des dis­po­si­tions exis­tantes. Du moins, si une refonte d’ensemble d’un des trois codes devait inter­ve­nir, et donc sup­pri­mer les numé­ro­ta­tions inter­ca­laires, le sys­tème rete­nu per­met­trait de numé­ro­ter en conti­nu l’ensemble des articles.

En défi­ni­tive donc la refonte du code de la san­té publique a entraî­né l’abrogation de cinq codes alors exis­tants, faci­li­tant ain­si de façon remar­quable l’accès au droit pour tous, ce qui est la fina­li­té même d’un code.


Lire l’ar­ticle pré­cé­dent : Le code de la san­té publique, tueur de code (II)

Le code de la santé publique, tueur de codes (II)

La refonte de la par­tie régle­men­taire du code de la san­té publique (2003−2005) a entraî­né quant à elle la reprise en son sein des dis­po­si­tions des trois codes de déon­to­lo­gie des trois pro­fes­sions médi­cales et l’abrogation des trois codes cor­res­pon­dants jusqu’alors autonomes.

En effet, ce sont juri­di­que­ment trois décrets en Conseil d’État pris sur pro­po­si­tion des ordres, et ces trois décrets trou­vaient leur fon­de­ment légal dans un article légis­la­tif du code de la san­té publique. Il était donc conforme aux bonnes pra­tiques de codi­fi­ca­tion que les décrets d’application de cet article légis­la­tif figurent dans la par­tie régle­men­taire de ce même code.

Toutefois, ce n’est pas sans appré­hen­sion que ceci fut entre­pris et réus­si, grâce aus­si à la déter­mi­na­tion de la rap­por­teuse de cette par­tie, une des très grandes figures en matière de codi­fi­ca­tion de la Commission supé­rieure de codi­fi­ca­tion et du Conseil d’État. Les codes de déon­to­lo­gie sont des textes fon­da­men­taux pour cha­cune des pro­fes­sions médi­cales ; leur res­pect est assu­ré en pre­mier res­sort et en appel par les juri­dic­tions ordi­nales, et, de plus, bien des articles sont connus par leurs propres numé­ros par les pra­ti­ciens eux-mêmes.

Il exis­tait cepen­dant un argu­ment péremp­toire sur cette ques­tion. Le code de déon­to­lo­gie des phar­ma­ciens figu­rait déjà en bonne et due place dans le code de la san­té publique. Dès lors, si le code de déon­to­lo­gie des phar­ma­ciens fai­sait par­tie inté­grante du code de la san­té publique, les codes de déon­to­lo­gie des pro­fes­sions médi­cales pou­vaient eux aus­si connaître le même traitement.

On sait en effet que jusqu’à la refonte, les dis­po­si­tions rela­tives aux médi­ca­ments et aux pro­fes­sions de la phar­ma­cie étaient amal­ga­mées dans un ensemble peu lisible ; en 2000, les dis­po­si­tions rela­tives aux pro­fes­sions de la phar­ma­cie sont venues for­mer le livre II de la qua­trième par­tie du code consa­cré aux pro­fes­sions de san­té, et les dis­po­si­tions rela­tives aux médi­ca­ments et autres pro­duits de san­té ont consti­tué le gros de la cin­quième par­tie du code.

L’intégration dans la par­tie régle­men­taire du code de la san­té publique des trois codes de déon­to­lo­gie des trois pro­fes­sions médi­cales a sou­le­vé des pro­blèmes par­ti­cu­liers de codi­fi­ca­tion. Il fal­lait en effet natu­rel­le­ment ne modi­fier en rien sur le fond le conte­nu de ces codes, mais il fal­lait aus­si res­ter fidèle autant que pos­sible à la numé­ro­ta­tion des articles connus des pra­ti­ciens. Chacun des codes devait com­men­cer par le numé­ro 1 et les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes auraient pu mal accep­ter que le pre­mier numé­ro de cha­cun de leur code s’inscrive à la suite du der­nier numé­ro du code pré­cé­dent, ce qui, de plus, n’aurait pas per­mis à ces pra­ti­ciens de retrou­ver les articles dont ils connais­saient leur numé­ro par cœur dans ce nou­vel ordon­nan­ce­ment. L’article légis­la­tif occu­pait à lui seul un cha­pitre de la par­tie légis­la­tive, ce qui vou­lait dire que plu­sieurs cen­taines d’articles devraient se trou­ver dans le même cha­pitre régle­men­taire cor­res­pon­dant avec une numé­ro­ta­tion conti­nue, ren­dant l’ensemble peu lisible, même ordon­né en sec­tions et sous-sections. Enfin, cha­cun des codes devait pou­voir évo­luer et croître à son propre rythme.

C’est pour­quoi le prin­cipe de la numé­ro­ta­tion conti­nue des articles de 1 à X au sein d’un même cha­pitre a‑t-il été amé­na­gé en trois séries séparées.

Les 112 articles du code de déon­to­lo­gie des méde­cins (décret n° 95 – 1000 du 6 sep­tembre 1995) se retrou­ve­raient dans la 1re série, allant pos­si­ble­ment de 1 à 199, ce qui per­met­trait à ce code d’accueillir des articles nou­veaux supplémentaires.

Lire l’ar­ticle pré­cé­dent : Le code de la san­té publique, tueur de code (I)

Le code de la santé publique, tueur de codes (I)

Sous cet inti­tu­lé pro­vo­cant, nous vou­drions mettre en avant le fait que la refonte du code de la san­té publique (2000−2005) a fait dis­pa­raître plu­sieurs codes alors exis­tants. Alors que l’inflation légis­la­tive et régle­men­taire est dénon­cée par tous, la refonte s’est accom­pa­gnée, comme il est de règle, de l’abrogation des textes désor­mais codi­fiés, des cen­taines et des cen­taines d’articles, et même de codes tout entiers dont le conte­nu a été repris dans la ver­sion nou­velle du code, tout en ren­dant les normes du droit plus acces­sibles dans un vaste ensemble ordonné.

Pour s’en tenir aux codes, la refonte de la par­tie légis­la­tive du code de la san­té publique, par l’ordon­nance n° 2000 – 548 du 15 juin 2000 a entraî­né la reprise des dis­po­si­tions utiles et l’abrogation simul­ta­née de la par­tie légis­la­tive du « code des débits de bois­sons et de lutte contre l’alcoolisme » et de la par­tie légis­la­tive du « code de la consom­ma­tion, des bois­sons et des mesures contre l’alcoolisme appli­cable dans la col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale de Mayotte ».

Les par­ties régle­men­taires devaient être abro­gées le 27 mai 2003 fai­sant ain­si dis­pa­raître ces deux codes du droit en vigueur.

La rai­son essen­tielle est qu’à cette époque, la codi­fi­ca­tion avait de vastes ambi­tions et ne répu­gnait pas à l’idée d’accoucher de codes de grandes dimen­sions, pour­vu que leur conte­nu cor­res­ponde à leur objet.

Les codes des débits de bois­sons et des mesures contre l’alcoolisme avaient pour fina­li­té de pro­té­ger la san­té publique. Dès lors, il était jus­ti­fié qu’ils soient insé­rés dans le code de la san­té publique dans la codi­fi­ca­tion nou­velle du livre ancien des fléaux sociaux, inti­tu­lé qui n’a pas été oppor­tu­né­ment repris, c’est-à-dire dans la troi­sième par­tie du code « lutte contre les mala­dies et dépendances ».

L’édition pré­cé­dente com­por­tait quelques dis­po­si­tions rela­tives à l’alcoolisme ; ces dis­po­si­tions et celles rela­tives au code des débits de bois­sons et des mesures contre l’alcoolisme sont venues consti­tuer le livre III de la troi­sième partie.

Naturellement, le code des débits de bois­sons et de lutte contre l’alcoolisme à Mayotte devrait s’intégrer dans le der­nier livre de cette troi­sième par­tie, le der­nier livre de cha­cune des six par­ties étant réser­vé aux seules col­lec­ti­vi­tés d’outre-mer régies par le prin­cipe de spé­cia­li­té ; les quelques dis­po­si­tions des col­lec­ti­vi­tés ultra­ma­rines régies par le prin­cipe d’identité trou­vant leur place natu­relle dans les livres géné­raux de cette même par­tie. On rap­pel­le­ra en effet qu’à l’époque de la refonte du code 2000, Mayotte était encore régie par le prin­cipe de spécialité.

Le piquant de la situa­tion est que, à bien des égards, les dis­po­si­tions appli­cables à Mayotte, plus récentes (1992) étaient mieux rédi­gées que celles appli­cables en métro­pole. C’est une des rai­sons pour laquelle il n’a pas été pos­sible de ne faire figu­rer dans le titre consa­cré à Mayotte que les dis­po­si­tions spé­ci­fiques, et que les dis­po­si­tions Mayotte ont été reprises en bloc.

La mise en cohé­rence des dis­po­si­tions hexa­go­nales et des dis­po­si­tions maho­raises aurait néces­si­té des modi­fi­ca­tions du fond du droit, un accord entre plu­sieurs minis­tères, une concer­ta­tion étroite avec Mayotte, ce qui ne pou­vait inter­ve­nir dans le délai très contraint impar­ti à la codi­fi­ca­tion de la par­tie réglementaire.

La refonte de la par­tie régle­men­taire du code de la san­té publique (2003−2005) a entraî­né la reprise en son sein des dis­po­si­tions des trois codes de déon­to­lo­gie des trois pro­fes­sions médi­cales et l’abrogation des trois codes cor­res­pon­dants jusqu’alors auto­nomes. En effet, ce sont juri­di­que­ment trois décrets en Conseil d’État pris sur pro­po­si­tion des ordres, et ces trois décrets trou­vaient leur fon­de­ment légal dans un article légis­la­tif du code de la san­té publique. Il était donc conforme aux bonnes pra­tiques de codi­fi­ca­tion que les décrets d’application de cet article légis­la­tif figurent dans la par­tie régle­men­taire de ce même code.

Vaccination obligatoire contre la Covid-19 et sanctions pénales

Les sanctions pénales en cas d’établissement ou d’usage de faux certificat

Selon l’article 13 de la loi n° 2021 – 1040 du 5 août 2021, « l’établissement et l’usage d’un faux cer­ti­fi­cat de sta­tut vac­ci­nal ou d’un faux cer­ti­fi­cat médi­cal de contre-indication à la vac­ci­na­tion contre la covid-19 sont punis confor­mé­ment au cha­pitre Ier du titre IV du livre IV du Code pénal.

Lorsqu’une pro­cé­dure est enga­gée à l’encontre d’un pro­fes­sion­nel de san­té concer­nant l’établissement d’un faux cer­ti­fi­cat médi­cal de contre indic­tions à la vac­ci­na­tion contre la covid-19, le pro­cu­reur de la République en informe, le cas échéant, le Conseil natio­nal de l’ordre duquel le pro­fes­sion­nel relève. »

Le cha­pitre Ier du titre IV du livre IV du Code pénal « des faux » com­porte neuf articles. On retien­dra au mini­mum que l’article 441 – 7 punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait :

  1. D’établir une attes­ta­tion ou un cer­ti­fi­cat fai­sant état de faits maté­riel­le­ment inexacts ;
  2. De fal­si­fier une attes­ta­tion ou un cer­ti­fi­cat ori­gi­nai­re­ment sincère ;
  3. De faire usage d’une attes­ta­tion ou d’un cer­ti­fi­cat inexact ou falsifié.

La ten­ta­tive des délits est punie des mêmes peines.

De plus, selon l’article 441 – 10, les per­sonnes phy­siques cou­pables encourent éga­le­ment l’interdiction d’exercer l’activité pro­fes­sion­nelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

Les sanctions pénales et l’interdiction d’exercer

Les sanctions contre l’employé

Selon le I de l’article 16, « la mécon­nais­sance de l’interdiction d’exercer men­tion­née au I de l’article 14 est sanc­tion­née dans les mêmes condi­tions que celles pré­vues à l’article L. 3136 – 1 du Code de la san­té publique pour le fait, pour toute per­sonne, de se rendre dans un éta­blis­se­ment rece­vant du public en mécon­nais­sance d’une mesure édic­tée sur le fon­de­ment du 5° du I de l’article L. 3131 – 15 du même code. »

Covid-19 et sanctions pénales
Covid-19 et sanc­tions pénales

La sanc­tion est donc une contra­ven­tion de 4e classe. Le légis­la­teur (4e ali­néa de l’article L 3136 – 1 du Code de la san­té publique) a édic­té une réci­dive délic­tuelle par­ti­cu­lière. La com­mis­sion des faits, à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, est punie de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

Les sanctions contre l’employeur

Selon les deux pre­mières phrases du Ier ali­néa du II du même article 16, « La mécon­nais­sance par l’employeur de l’obligation de contrô­ler le res­pect de l’obligation vac­ci­nale (cf. les deux articles pré­cé­dents) est punie de l’amende pré­vue pour les contra­ven­tions de la cin­quième classe (1500 €, article 131 – 13 du Code pénal). Cette contra­ven­tion peut faire l’objet de la pro­cé­dure de l’amende for­fai­taire pré­vue à l’article 529 du Code de pro­cé­dure pénale. »

La loi a pré­vu là aus­si un régime de réci­dive délic­tuelle par­ti­cu­lier par­ti­cu­liè­re­ment sévère. « Si une telle vio­la­tion est ver­ba­li­sée à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis d’un an d’emprisonnement et de 9000 € d’amende. » (3e phrase).

Le second ali­néa du II de l’article rend inap­pli­cable au par­ti­cu­lier employant un ou plu­sieurs sala­riés à son domi­cile pri­vé, ou à proxi­mi­té de celui-ci, sans pour­suivre de but lucra­tif et afin de satis­faire des besoins rele­vant de sa vie per­son­nelle, notam­ment fami­liale, à l’exclusion de ceux rele­vant de sa vie professionnelle.

Qui peut constater et rechercher les infractions ?

« Les agents men­tion­nés à l’article L. 1312 – 1 du Code de la san­té publique peuvent consta­ter et recher­cher le man­que­ment men­tion­né à la pre­mière phrase du pré­sent ali­néa. » (qua­trième phrase).

Il s’agit donc des offi­ciers et agents de police judi­ciaire, des méde­cins ins­pec­teurs de san­té publique, des phar­ma­ciens ins­pec­teurs de san­té publique, des ins­pec­teurs de l’action sani­taire et sociale, des ingé­nieurs du génie sani­taire, les ingé­nieurs d’études sani­taires et des tech­ni­ciens sani­taires du minis­tère char­gé de la san­té ou des agences régio­nales de santé.

Les agents des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales habi­li­tés et asser­men­tés sont aus­si compétents.

La vaccination obligatoire contre la covid-19 : conditions d’application

Le pré­cé­dent article en se rap­por­tant au I de l’article 12 de la loi n° 2021 – 1040 du 5 août 2021 fai­sait état des nom­breuses caté­go­ries de per­sonnes sou­mises à l’obligation vac­ci­nale. Il s’agit ici de pré­ci­ser les condi­tions d’application de cette obligation.

Les cas de contre-indications médicales à l’obligation légale de vaccination

Le décret n° 2021 – 1059 du 7 août 2021, dans son article 1er, a modi­fié le décret n° 2021 – 699 du 1er juin 2021 en com­plé­tant son titre Ier par un article 2 – 4 et une nou­velle annexe 2 énu­mé­rant les cas de contre-indications médi­cales. Les deux décrets sont des décrets simples, sans avis du Conseil d’État, mais qui visent l’urgence.

Les contre-indications (per­ma­nentes) sont :

  1. Celles indi­quées dans le résu­mé des carac­té­ris­tiques du pro­duit, par exemple, pour Astrazeneca : COVID-19 Vaccine AstraZeneca, COVID-19 Vaccine (ChAdOx1‑S [recom­bi­nant]) (europa.eu), et pour Moderna : COVID-19 Vaccine Moderna, INN-COVID-19 mRNA Vaccine (nucleo­side modi­fied) (europa.eu) ;
  2. Celle de ne pas ini­tier la pre­mière dose : syn­drome inflam­ma­toire mul­ti­sys­tème pédia­trique post covid-19 ;
  3. Celle éta­blie après concer­ta­tion médi­cale plu­ri­dis­ci­pli­naire de ne pas effec­tuer la seconde dose suite à la sur­ve­nue d’un effet indé­si­rable d’intensité sévère ou grave attri­bué à la pre­mière et signa­lé au sys­tème de phar­ma­co­vi­gi­lance (sur­ve­nue de myo­car­dite, du syn­drome de Guillain-Barré).

Les cas de contre-indications médi­cales tem­po­raires sont le trai­te­ment par anti­corps mono­clo­naux anti-SARS-CoV‑2 et les myo­car­dites ou péri­car­dites sur­ve­nues anté­rieu­re­ment à la vac­ci­na­tion et tou­jours évolutives.

L’application dans le temps de l’obligation vaccinale

Les dis­po­si­tions d’une loi sont appli­cables en prin­cipe dès le len­de­main de sa publi­ca­tion au J.O. et celles qui néces­sitent un texte d’application entrent en vigueur le len­de­main de la publi­ca­tion de ce texte.

Vaccination
Vaccination

Le décret n° 2021 – 1059 du 7 août 2021, dans son article 1er, a modi­fié le décret n° 2021 – 699 du 1er juin 2021 en y insé­rant un titre 5 bis “vac­ci­na­tion obli­ga­toire”, articles 49 – 1 et 49 – 2.

Il est pré­vu trois temps : jusqu’au 14 sep­tembre, à comp­ter du 15 sep­tembre, pou­voir éta­blir avoir une des deux injec­tions pour les vac­cins qui néces­sitent deux injec­tions ou un test anti­gé­nique per­met­tant la détec­tion de la pro­téine N du SARS-CoV‑2.

À comp­ter du 15 octobre, il résulte de l’article 13 de la loi du 5 août 2021 et de l’article 49 – 1 du décret n° 2021 – 699 du 1er juin 2021 qu’il fau­dra pré­sen­ter au titre de l’obligation vaccinale :

  1. Un jus­ti­fi­ca­tif du sta­tut vac­ci­nal attes­tant d’un sché­ma vac­ci­nal com­plet de l’un des vac­cins dont l’autorisation de mise sur le mar­ché a été déli­vrée par la Commission euro­péenne, ou recon­nu comme équi­valent par l’Agence natio­nale de sécu­ri­té des médi­ca­ments et des pro­duits de santé ;
  2. Ou à défaut, un cer­ti­fi­cat de réta­blis­se­ment à a suite d’une conta­mi­na­tion par la covid-19 avec men­tion du résul­tat posi­tif à un exa­men de dépis­tage RT-PCR ou à un test anti­gé­nique, exa­men ou test valable six mois après leur réalisation ;
  3. Ou encore, un jus­ti­fi­ca­tif de contre indic­tion médi­cale à la vaccination.

Le non-respect de l’obligation vaccinale

L’article 14 de la loi a pré­vu une pro­cé­dure par­ti­cu­lière lorsque la per­sonne sur laquelle repose l’obligation est un sala­rié auquel il est inter­dit d’exercer son acti­vi­té dès lors qu’il ne répond pas aux exi­gences de l’obligation vac­ci­nale et ne peut jus­ti­fier ni d’un cer­ti­fi­cat de réta­blis­se­ment ni d’un jus­ti­fi­ca­tif de contre-indication médi­cale à la vaccination.

Elle pré­voit un entre­tien entre le res­pon­sable de l’établissement employeur et le sala­rié inter­dit d’exercer. Elle pré­co­nise de recou­rir aux jours de congés pour retar­der la sus­pen­sion. Celle-ci n’est pas un licen­cie­ment, le contrat de tra­vail sub­siste, mais l’intéressé est sans tra­vail et sans rému­né­ra­tion et ne peut pré­tendre à l’aide au retour à l’emploi.

La situa­tion est iden­tique pour un agent public à ceci près que la loi ne fait pas men­tion, pour les fonc­tion­naires titu­laires ou sta­giaires, de leur sta­tut. Elle pré­cise cepen­dant que les contrats à durée déter­mi­née des agents publics sus­pen­dus prennent fin au terme pré­vu et ne sont donc pas pro­ro­gés du temps de la suspension.

L’ONIAM responsable en cas de préjudices suite à la vaccination obligatoire

L’article 19 de la loi pré­cise que la répa­ra­tion inté­grale des pré­ju­dices direc­te­ment impu­tables à la vac­ci­na­tion obli­ga­toire contre la covid-19 est assu­rée confor­mé­ment à l’article L. 3111 – 9 du code de la san­té publique. On sait en effet que dès lors qu’une vac­ci­na­tion est léga­le­ment ren­due obli­ga­toire, ses consé­quences dom­ma­geables incombent à la puis­sance publique, repré­sen­tée ici par l’Office natio­nal d’indemnisation des acci­dents médi­caux (ONIAM) inter­ve­nant au titre de la soli­da­ri­té natio­nale. En prin­cipe, ici comme ailleurs, il faut éta­blir le lien de cau­sa­li­té entre la vac­ci­na­tion et le dom­mage, mais le Conseil d’État a admis depuis un arrêt célé­bris­sime publié au Recueil sur les conclu­sions de M. Terry OLSON en 2007 que pour l’hépatite B, le lien est répu­té éta­bli en cas de bref délai entre l’injection et le trouble médi­ca­le­ment consta­té. Nul doute que les avo­cats seront très pré­sents dans le vaste conten­tieux à venir de l’obligation vac­ci­nale contre la covid-19.